Gina Proenza “Passe Passe”, Centre culturel suisse 2018 / © Margot Montigny pour le CCS

Gina Proenza

Passe Passe

sam 27 oct – dim 09 déc 2018
ven 26 oct 2018 de 18h à 21h

Le travail de Gina Proenza (1994, Bogota) est basé sur des récits qui mêlent des recherches anthropologiques, des contes et légendes ancestraux et des influences littéraires, notamment d’auteurs sud américains tels que Borges, Bioy Casares ou Bolaño.

Pour son exposition au Centre culturel suisse, Passe Passe, le sol de la Pièce sur cour est occupé, dans sa quasi-intégralité, par une plateforme, une sorte de deuxième sol détaché du premier d’une vingtaine de centimètres. Le visiteur est invité à marcher sur cette surface peinte. Il expérimente alors une sensation de légère instabilité, d’oscillation subtile, de craquements à peine perceptibles…une sensation d’être peut-être ailleurs. Un ailleurs géographique et climatique, mais aussi culturel et social.

Passe Passe, dernier chapitre d’un quatuor d’expositions qui prennent comme points de départ des histoires où des lieux liés à la Colombie, son pays d’origine, Gina Proenza se réfère à une minuscule île située dans la mer des Caraïbes, Santa Cruz del Islote. Cette île est considérée comme un des territoires ayant la plus forte densité de population au monde. Malgré cela, sa population apparaît joyeuse, florissante, constamment en mouvement. Serait-ce un modèle ou une utopie ?

Sur l’île, on se déplace tantôt en empruntant des mini ruelles, tantôt en cheminant de maison à maison, passant d’une cuisine à une chambre, par un vestibule, une porte ou une fenêtre. On est chez soi ou chez son voisin, les notions d’espace privé et collectif s’entremêlent, tout comme les cris des enfants, les bruits ménagers et les musiques se superposent.

Les habitants de l’île racontent qu’ils y vivent car des vents tournants chassent les moustiques. Il y fait donc bon vivre, mais l’exiguïté des lieux et la concentration extrême des habitants impliquent des décisions très discutées. Les façades des maisons bordent le rivage, le cimetière est sur une île voisine, la table de billard a été rapatriée sur le continent, malgré l’importance de ce jeu dans la culture locale. La cohabitation des corps, des sentiments, des mouvements pose cette question qui rappelle le titre du cours donné par Roland Barthes au Collège de France en 1976-1977 : Comment vivre ensemble.

Marcher sur la plateforme, c’est expérimenter une incertitude, c’est inventer un comportement. Le sol tangue, et dès qu’une autre personne arrive, commence une interdépendance entre les corps et les mouvements, impliquant différentes manières d’occuper le territoire.

Gina Proenza a conçu Passe Passe comme une réflexion programmatique qui s’articule autour de trois notions permettant de transposer les enjeux fondamentaux de Santa Cruz del Islote dans l’espace d’exposition : l’habit, l’habitat, l’habitude. L’habit serait expérimental et communautaire, socle mouvant d’architectures en devenir, et offrant de multiples possibilités de vivre ensemble. L’habitat serait le discours mis en musique d’un physicien, interrogé par l’artiste sur le plein et le vide, où il est question d’air comprimé, de gaz solide liquide, de récipients, de molécules, et dans lequel il dit que quand une notion n’est plus physique, elle peut être littéraire ou philosophique, ce qui l’amène à évoquer la plénitude. Enfin, l’habitude serait la présence d’un rituel pratiqué par un voisin de l’artiste, Michel Etter, qui photographie chaque jour des cygnes sur le rivage du lac Léman.

Utilisant un service gratuit de la poste suisse, il s’envoie à lui-même quotidiennement une carte postale avec l’une de ses images. Ici, l’artiste a transposé ces photos de cygnes sur de la toile moustiquaire, réunissant ainsi deux communautés, celle de Santa Cruz del Islote et celle de son immeuble à Lausanne, et créant des drapeaux, emblèmes poétiques d’un territoire en mouvement.

Gina Proenza tisse des liens entre des références colombiennes et d’autres histoires liées à un contexte culturel local. Ici et ailleurs, le vent murmure « ma cuisine est ton salon ».

Commissaire de l’exposition : Olivier Kaeser
L’artiste remercie Harold Borsinger, Isaline Doucot, Michel Etter, Moufdi Gharbi, Tristan Lavoyer, Paula Mesuret, Simon Sixou et Ruben Valdez.

En partenariat avec Libération, les Inrockuptibles, Mouvement et Slash

sam 27 oct – dim 09 déc 2018
ven 26 oct 2018 de 18h à 21h