Oskar Gómez Mata, Compagnie l’Alakran, “Le boucher espagnol” de Rodrigo García  / Photo : Christian Lutz

Rodrigo Garcia & Oskar Gomez Mata

Boucher espagnol

Pour moi, le texte n'est qu'un prétexte, un tremplin, un point de départ. Le public et les personnages vivront dans le même temps: le présent. Une espèce de cabaret, de show familial, devient le monde de nos personnages. Il n'y a pas de drame, le drame est en eux. 
On s'accroche à notre rire comme à une bouée, notre rire désamorce le drame, mais quelquefois s'étrangle et nous laisse un goût amer. 
On dit ce qu'on fait mais on ne fait rien. Ils nous racontent des recettes mais ils ne font jamais la cuisine. Imaginez un cuisinier avec des gants de boxe sur un terrain de foot, en lisant Schopenhauer, Bernhard ou Céline. Personnages insaisissables, ils commencent le récit d'une vie qu'ils ne peuvent pas assumer, peu à peu ils dérivent et s'en échappent. Rodrigo García nous expose cet univers sans complaisance et nous invite à soupçonner l'existence d'autres “histoires”. "Nous imaginons le présent du personnage, sa situation actuelle, les raisons de cette affinité qu'il a pour le  verbe “tuer”, nous imaginons la présence de plusieurs femmes ; je perçois à côté de cette inconscience la profondeur d'un regard diabolique." Oskar Gómez Mata

L'Espagne post-franquiste demeure un théâtre baroque, où l'absurde et l'outrance imprègnent le quotidien. Buñuel est encore à chaque coin de rue. Mêlant la boxe, l'opéra, les recettes culinaires et l'évocation de son enfance, Rodrigo García exorcise, par sa poésie violente, une société qui confronte, à travers les siècles, la splendeur et l'épique au ridicule et au pathétique.

L'écriture de Rodrigo García se caractérise par une déstructuration de la langue. Les pensées sont formulées par à-coups et rythment le discours de manière obsessionnelle et violente. Il existe toujours dans son œuvre l'idée de destruction, la volonté de démonter tous les mécanismes et les règles qui régissent notre société. Se révolter sur un fond utopique, avec une musique d'idéalisme pessimiste. Rodrigo García se manifeste comme un pessimiste qui a le sens de l'humour.
À travers la boxe, l'opéra, les recettes de cuisine et l'évocation des souvenirs d'enfance, il nous décrit le sentiment de désespoir de l'homme face à notre société. Les personnages naissent de l'imaginaire de l'auteur et appartiennent à son fantasme d'outrepasser les conventions. Ils n'ont pas d'identité, il deviennent tout le monde. Ils n'ont aucun sens de la mesure, sont des bulldozers qui renversent la normalité des choses. Ils racontent leur vie, leur manière d'agir en société, ils font tout ce que nous n'osons pas faire, ils nous renvoient à notre impuissance, à notre soumission. La réalité est construite comme une mosaïque, constituée d'une multitude de morceaux. L'énumération des événements, des objets et des sentiments met cette réalité à plat et l'ensemble nous frappe au visage et en même temps provoque notre rire.

Née du désordre, la poésie de Rodrigo García nous plonge dans le contexte d'une Espagne post-franquiste. L'Espagne d'aujourd'hui est encore rythmée par les rites et les manifestations religieuses et païennes. Dans ce pays l'exagération est quotidienne. La violence dans les rapports et dans les sentiments devient spectaculaire et pathétique. Rodrigo García  chante par sa poésie une société qui confronte, à travers les siècles, la splendeur et l'épique avec le ridicule et le pathétique.

mer 29 nov – sam 02 déc 2000