Cendrars en scène - Olivier Le cerf, compagnie Les trois coups
Emmène-moi au bout du monde !…
« Un jeune comédien, seul en scène, plonge dans le roman de Cendrars et tente d'en extraire la "quintessence"…
Autant dire qu'on se prépare soit à s'emmerder, soit à s'énerver. La surprise n'en est que plus belle. Dès les premières minutes, Alexis Flanagan prend possession du texte et des personnages. Les projos s'allument, et voilà Thérèse, actrice turbulente de quatre-vingts balais bien sonnés, en train de se faire prendre à la cosaque par un légionnaire plein comme une outre. Puis arrivent la Papayanis, autre gloire - beaucoup plus jeune - du théâtre, le metteur en scène hystérique, le garçon de café décoré, le commissaire de police… Tous ces "héros", dont on pensait qu'ils ne pouvaient exister que sous la plume de Cendrars, sont là, pleins de rage et de vie. Pourtant, il n'y a bien qu'un seul comédien, incarnant tour à tour protagonistes et narrateur. Impressionnant. Ce n'est pas si souvent qu'un monologue parvient à nous donner tout à la fois l'envie de lire et celle d'aller au théâtre. » Texte : Gérard Biard, Charlie Hebdo
"Emmène-moi au bout du monde!…" est le dernier roman de Blaise Cendrars, qu'Alexis Flanagan et Olivier Lecerf reprennent sur la scène du CCS en prélude à une tournée suisse pour les quarante ans de la disparition de Cendrars. «Une dernière pirouette de l'écrivain, précisent-ils, une plaie ouverte en forme d'éclat de rire, une farce carnavalesque dans laquelle Cendrars se montre sous son ultime déguisement», c'est-à-dire derrière le masque d'une actrice excentrique de quatre-vingts ans, monstre sacré qui incarne la passion de Cendrars pour le théâtre : L'Homme et son désir. La Vie et ses accessoires. Le Théâtre est la seule réalité. En tout cas, il n'y a pas d'abstraction possible, ni de métamorphose, ni de métaphore, ni de métaphysique. Il y a l'Homme. C'est chaque fois une révélation. Il n'y a que ce qui grouille obscurément dans les reins qui monte en scène et s'extériorise en pleine lumière : larmes, sang, rires, la joie, le bonheur de vivre, d'être, la force, la puissance, la gloire et toutes ses faiblesses, le tout mû par les ressorts de l'immense machine, … le Théâtre. Extrait d'Emmène-moi au bout du monde !…, éditions Denoël, 1956