Luciano Rigolini, ” Portraits”, flyer de la projection au Centre culturel suisse

Luciano Rigolini

PORTRAITS, 10 artistes suisses aujourd’hui

PORTRAITS, 10 artistes suisses aujourd'hui
est une série consacrée à dix jeunes artistes suisses qui, dans des contextes et des genres très différents, sont significatifs de l'art contemporain suisse. Il s'agit de John Armleder, Adriana Beretta, Miriam Cahn, Martin Disler, Helmut Federle, Peter Fischli, Josef Felix Müller, Hannah Villiger, David Weiss, Anna Winteler.
Le film se présente sous la forme de fragments qui constituent dans leur ensemble une constellation organique. La proposition du cinéaste, bien que demeurant ancrée dans une finalité documentaire, se distingue par l'originalité et la recherche formelle du langage utilisé.

Pour un double parcours
Luciano Rigolini partage le travail à la caméra avec celui de la réalisation.
À partir de 1982, il réalise une série de films sur l'art et les artistes contemporains. Les films « Casa Botta », « Documenta 7 », « Gilberto Zorio », s'inscrivent dans la tradition du film documentaire sur l'art. À la différence, le dernier film intitulé « Portraits » dont nous saluons ici, la première présentation publique, tente de donner une identité propre à chaque artiste filmé, en privilégiant la recherche purement cinématographique.

Pour Luciano Rigolini
Un œil dynamique et curieux se risque à l'impertinence pour trouver le moyen de nous impliquer. Il nous accompagne dans un voyage imprévisible à l'intérieur des expériences les plus significatives de l'art contemporain. 
Le résultat est un kaléidoscope d'images que le langage filmique de Luciano Rigolini nous restitue en un flux discontinu de mouvements narratifs qui ne cessent de se décomposer et se recomposer pour façonner, jusque dans ses nuances les plus secrètes, le profil d'une démarche artistique . 
Prend forme une vérité substancielle que revendiquent les plus avancées des expérimentations artistiques: la conscience que le premier discours que crée une œuvre se fait à travers la manière dont elle traite le langage qu'elle utilise.
Dans ce contexte l'art cesse d'être une collection plus ou moins homogène et innocente d'objets, pour assumer délibérément la forme d'un certain discours, dont le langage, au croisement de multiples tensions, n'accepte plus de reproduire sa propre transparence mais se mesure à l'efficacité d'une interrogation. Cette attitude interrogative vise à l'échec de l'évidence même qui prétende applatir la réalité sur elle-même et la confondre avec ses propres images. En accord avec cette sensibilité renouvelée, capable de réinventer constamment sa propre histoire, la série de films réalisés par Luciano Rigolini depuis 1982 ne se présente pas comme le témoignage neutre d'une situation en elle-même ambiguë et multiforme mais comme le compte rendu d'un parcours mû par le goût de l'exploration.
Ce n'est donc pas un catalogue anonyme de remarques objectives, mais la chronique d'une intervention qui se traduit en un exercice concret de lecture des expériences clés de la culture artistique contemporaine, souvent original et inédit. La recherche d'un équilibre entre style et information s'achemine vers l'invention d'un langage qui veut réinventer ses propres règles en les transformant de l'intérieur : « le documentaire d'art» sort du ghetto des genres mineurs pour devenir le champ d'une expérimentation stylistique. Celle-ci veut dépasser les limites de l'orthodoxie afin d'augmenter sa propre malléabilité et tester la résistance de son propre «objet», cet objet éphémère qu'est le travail artistique saisit dans le vif de son actualité. 
De « Documenta 7 » à « Portraits-10 artistes suisses », les réalisations que nous propose Luciano Rigolini mettent en évidence une radicalisation progressive de son style, à la recherche d'une cohérence qui affirme sans hésitation la partialité de son regard. La plasticité du langage cinématographique et les langages polymorphes des arts plastiques se rencontrent ainsi à la frontière incertaine entre le représenté et l'interprétation.

Texte : Giorgio Pagin
traduit de l'italien par Giovanna Puggioni
(issu de la documentation du centre Georges Pompidou les films de Luciano Rigolini
était projetées au Cinéma du Musée du 4 au 8 mars 1987)