Hannah Villiger, “Sculpture”, vue d’exposition au CCS / Photo : D.R.

Hannah Villiger

Sculpture

mar 07 janv – dim 16 févr 1986

De l'utopie dans des images mytiques
J'aimerais aborder une œuvre qui jette une lumière très significative sur ce qui, dans le domaine des sens, différencie essentiellement l'affinité pour le même sexe, masculin et féminin. En 1980, Hannah Villiger a fait de sa relation à son amie le thème d'une série de douze agrandissements de photos polaroïd (1OO x 1OO cm chacune). Peu de personnes ont reconnu la portée novatrice de ce travail exposé à la Kunsthalle de Bâle en janvier/février 1981 dans le cadre d'une exposition collective. Ceci est probablement dû au fait que peu de travaux existent dans ce domaine des relations, d'où la réceptivité peu sensible des observateurs à cet égard. On peut voir une main posée sur un genou nu replié; une jeune fille assise vue de dos; l'intérieur d’une tasse à thé avec son sachet; une main qui s'empare de l'autre; des yeux et un front de jeune fille; une cuillère qui retire un sachet de thé; des cuisses dénudées; un cactus rond; un cactus en forme d'oiseau qui s'envole; deux visages féminins très rapprochés; un derrière moulé dans un pantalon de cuir rouge vif; des lèvres
serrées cependant que la bouche est malgré tout retenue en arrière par un mince cordon.
Considère-t-on les photos du point de vue de la relation entre les deux femmes - et ce point de vue est, me semble-t-il, clairement indiqué - les objets se laissent alors interpréter comme autant de périphrases imagées d'aspects de cette relation. Le cactus rond peut être un repli: celui qui s'envole comme un oiseau une libération (le cactus en tant que composante réfractaire au contact). Cuillère à thé et sachet ainsi que l'intérieur de la tasse à thé avec le sachet suspendu sur un côté, peuvent très bien se référer à un rapport de force: qui utilise qui et pour quoi? Dans le genre: tu me laisses tomber comme un sachet après avoir obtenu ce que tu exigeais; mais en même temps, tous deux sont dépendants l'un de l'autre (il n'y a point de thé sans herbes). La bouche calme et belle ne doit point occulter le fait qu'elle est attachée. Les yeux sombres semblent braqués sur le dos de la silhouette assise. Je ne connais aucun travail comparable qui fasse apparaître avec autant de délicatesse la relation érotique entre deux femmes, et dévoile ainsi, comparée au monde viril, une sexualité aux orientations complètement autres.

Texte: Jean-Christophe Ammann
In Karl Heinz Hoher (éd.): Mythos und Moderne
Francfort a.M., 1985

mar 07 janv – dim 16 févr 1986